Daouda Traoré, Colonel-major à la retraite, lieutenant au moment des faits, comparaît à la barre ce mardi en tant que témoin. En effet, la première partie du procès qui concernait l’audition des accusés a été stoppée parce que l’accusé qui restait à comparaître a eu un AVC au cours du procès. Le juge a donc lancé la deuxième partie du procès qui concerne l’audition des témoins.
Daouda Traoré, premier témoin à la barre explique sa journée du 15 octobre 1987: « je devais prendre service le 15 octobre à Fada. Mon chauffeur a percuté un véhicule et cela a retardé notre départ. On a finalement prévu de bouger vers 15h-16h
J’étais à la SOCOGIB avec mon épouse le 15 octobre lorsque j’ai entendu les tirs. Avec mon garde du corps, j’ai foncé au Conseil. Arrivé, la voie d’accès était bloquée par des gardes.
J’ai contourné pour aller stationner mon véhicule à l’hôpital Yalgado. De là avec mon garde je suis rentré à pied au lycée Bogodogo. Arrivé là, j’ai envoyé mon garde du corps pour aller dire à des éléments qui étaient postés à un passage donnant accès au Conseil que c’est le Lieutenant Daouda Traoré qui demande ce qui se passe.
Lorsqu’il est arrivé, ils lui ont tordu le bras remettre en arrière avant de le mettre au sol. J’étais arrêté à 80 mètres d’eux, le temps de m’en rendre compte, ils ont envoyé une rafale sur moi. J’ai compris que c’était un terrain hostile. Je me suis mis à plat ventre avant de ramper. Quand J’ai trouvé l’issue, j’ai traversé la cour du lycée Bogodogo; j’ai fait tous les murs du lycée, en passant par le centre de recherche pour me retrouver vers le barrage avant de revenir à l’hôpital.
De l’hôpital, je suis allé au SNP (actuel SND) où j’étais toujours en poste en tant que directeur général adjoint. De là j’ai essayé de placer mes hommes en attendant. C’est quand j’étais en train de placer mes hommes qu’on m’a tiré dessus. Heureusement, la balle a ricoché sur le mur et le morceau du mur m’a blessé sur la tempe droite.
Je suis rentré au bureau tout ensanglanté et j’ai cherché à savoir ce qui se passe.
J’ai donc appelé le Lieutenant Kouama Michel, Commandant de l’ETIR, proche de Sankara. Il m’a dit qu’il allait me revenir. Je l’ai attendu en vain.
Lorsque la déclaration de prise de pouvoir a été lue, j’ai appelé au Conseil et j’ai cherché à parler au Lieutenant Traoré (celui qui a lu le communiqué). Je lui ai demandé d’après Sankara, il m’a passé Diendéré, je lui ai posé la même question, à son tour il m’a passé Lingani. J’ai demandé encore, où est Sankara ? Et là, il m’a passé Blaise qui m’a dit que Sankara est mort. J’ai crié, et je lui ai demandé qui a tué Sankara? Il m’a dit: calme toi, nous avons aussi perdu beaucoup d’hommes ». Il m’a ensuite dit: il faut que la Révolution se poursuive. Il faut que tu viennes m’aider, on va poursuivre la Révolution.
Là, je me suis senti en danger parce que je ne savait plus qui est qui. Après Blaise Compaoré m’a reçu au Conseil et m’a demandé de venir, on va continuer ensemble, je lui ai dit jamais. Il a commencé à me dire que Sankara même était contre moi, qu’il a empêché mon stage à Cuba, qu’il était le responsable de mon affectation à Fada, etc.
Malgré tout, je lui ai dit que je ne pouvais pas être avec lui. Il m’a donné deux jours pour aller réfléchir. Le deuxième jour, c’est la gendarmerie qui est venue m’arrêter à mon domicile. J’ai fait 6 mois de détention pour le motif de participation à un supposé coup de 20h », a raconté le témoin à la barre.
Minute.bf